Justine Mérieau – Ecrivain

Bienvenue sur mon blog, créé pour faire connaître davantage mes livres à un lectorat plus vaste, celui de la toile

BERTHE ET REBECCA OU DEUX NANTAISES DES ANNEES 80 – Roman paru chez Orphie en décembre 2008

Classé dans : Littérature et poésie — 16 avril 2009 @ 1 : 10

Berthe et Rebecca ou deux Nantaises des années 80

 QUATRIEME DE COUVERTURE

Rebecca est une belle femme libérée. Mais juive, elle a connu enfant les camps de concentration, la perte des siens, la difficulté d’en parler au retour, l’exclusion et l’antisémitisme. 

Berthe est une jeune fille qui n’a pas vraiment d’attrait physique et qui se trouve laide. Elle supporte très mal le rejet et le regard souvent indifférent des autres.  

Et pourtant, ces deux Nantaises des années 1980 – parce qu’elles vivent chacune leur différence – se sentent proches, et leur amitié sera déterminante dans leur évolution et leurs choix. 

L’auteur a su trouver les mots justes pour décrire les sentiments des deux femmes, qui ont plusieurs points communs, dont celui de la littérature.

 

 Ce roman permet au lecteur de découvrir la ville de Nantes, où se situe une grande partie de l’existence de Berthe et Rebecca ; ce, jusqu’au moment où surviennent certains faits qui vont changer leur destin… 

Justine Mérieau, en choisissant Nantes pour cadre d’une grande partie de son action, privilégie ses propres racines : elle qui vit de nouveau à La Réunion, après quelques années passées à Mayotte, soit depuis vingt ans hors métropole, n’a pas oublié les rues, les cafés, les odeurs de sa ville… Une atmosphère qu’elle a su retrouver au plus profond d’elle-même. Elle trace l’histoire d’une plume rapide, et ses récits ne peuvent laisser indifférent : c’est pourquoi le lecteur se sentira proche de ses deux héroïnes et les aimera. 

 

 Il ne faut pas manquer le quatrième roman et sixième livre de cet écrivain, qui vous fait redécouvrir une page de l’Histoire de France – la seconde guerre mondiale – aux conséquences douloureuses.  

Mais le roman pose aussi différentes questions : comment survivre, en étant physiquement différent des critères véhiculés par la mode du moment ? Pourquoi le nazisme avait-il pu s’installer en Allemagne sous Hitler ? Pourquoi – et depuis quand – l’antisémitisme existe-t-il et peut-il encore perdurer ?  

Et des questions posées, il y en a bien d’autres tout au long du livre….

CHAPITRE I 

 

Entièrement nue devant sa psyché, Berthe s’y 

regardait sans aucune complaisance, avec un regard 

chargé d’aversion et de haine. Et un énorme découragement 

l’envahissait à nouveau, où se mêlaient colère et 

chagrin. 

Pourtant, à l’approche du printemps de cette 

année 1985, elle aurait tellement souhaité se plaire un peu, 

à défaut de se trouver belle… Malheureusement, quelle 

que soit la partie de son corps sur laquelle ses yeux se 

posaient, celle-ci ne lui inspirait à chaque fois qu’une 

indicible horreur ; ce qui accentuait encore davantage 

son désespoir. Le désespoir de toujours n’apercevoir dans 

son miroir, qu’un reflet qu’elle jugeait laid. 

Parce qu’elle trouvait laid tout en bloc ! Sans 

accorder la moindre grâce à l’ensemble de sa personne, 

qu’elle observait froidement, avec une sévérité implacable, 

dénuée de la moindre indulgence. 

Ainsi, haineux et désespéré, son regard l’inspectait-il 

des pieds à la tête, de façon critique et exagérée. Car, 

dans cet état d’esprit, elle amplifiait bien sûr tout… Et se 

voyait avec des mollets trop forts et trop musclés, des 

cuisses trop courtes et trop grosses, un ventre trop 

rebondi et flasque, des hanches trop larges et plantureuses, 

des fesses trop volumineuses et molles… et pour 

finir, avec des seins trop lourds et gonflés, tels deux 

énormes ballons arrogants qu’elle eût aimé pouvoir 

crever… 

Son regard s’arrêta sur ses seins et y demeura figé, 

malgré la consternation qu’elle en ressentait. Elle n’osait 

remonter vers son visage, tant elle en avait d’appréhension. 

Elle s’y décida d’un coup par bravade et se contempla bien en face. 

Son front était toujours aussi 

désespérément bas… Ses yeux, aussi insignifiants, minuscules, 

d’un marron fade et sans éclat… Ses joues, aux 

pommettes un peu hautes et saillantes, aussi énormes… 

Son menton, aussi épais et légèrement fuyant, sa bouche, 

aussi petite et mince… Quant à ses cheveux, ils pendaient 

sans grâce en mèches ternes et raides, encadrant de leur 

brun falot son visage morne, austère et sans vie 

apparente. 

Berthe avait maintenant tout examiné. Tout… sauf 

son nez… Mais c’était volontaire, parce que celui-ci, 

depuis toujours, lui posait son plus gros problème. 

D’autant mieux que justement, son nez était grand et 

gros… D’une longueur qu’elle jugeait excessive et peu 

commune, avec des narines trop épaisses à son gré. Et si 

son visage était, somme toute, assez anodin, disons, 

« passe-partout », il est vrai que son nez, quant à lui, avait 

du caractère et brillait par son originalité… Une originalité 

dont Berthe se serait, on s’en doute, bien passée ! 

Relevant les yeux vers lui, elle osa enfin le regarder. Ses 

prunelles, comme à chaque fois, s’emplirent aussitôt de 

larmes devant cette chose lui paraissant incongrue, 

immonde et outrancière ; un appendice qui l’empêchait 

de passer inaperçue, elle qui aurait voulu être transparente…

 

 Durant son examen, la jeune fille devenait de plus 

en plus sombre et désespérée. Il en allait toujours ainsi, 

lorsqu’il lui prenait de se contempler longuement dans 

une glace. Aussi préférait-elle en général s’en abstenir, 

sachant qu’elle continuerait à être déçue de ne jamais 

pouvoir découvrir d’elle quelque chose qu’elle aimerait. 

Dans son cas, se disait-elle avec tristesse et amertume, il 

valait mieux ignorer son image, essayer de ne plus y 

penser pour ne pas en souffrir davantage. Sinon, cela 

devenait pire à chaque fois, elle le savait ; parce qu’alors, 

elle en arrivait à ne plus éprouver qu’un profond dégoût 

de sa personne physique… Un rejet total. Et elle finissait 

par se détester carrément, par ne plus pouvoir se 

supporter du tout ; déjà qu’elle avait assez de mal à se 

supporter chaque jour sans cela… Elle y parvenait 

d’ailleurs à peine. Elle aurait voulu oublier jusqu’à son 

existence. 

 

Epuisée, lasse, démoralisée, Berthe se laissa choir 

sur son lit, corps sans joie, dont l’esprit remuait les plus 

noires pensées. Elle songeait aux jeunes filles de son âge, 

et surtout, à son amie Rebecca, qui sortaient, s’amusaient, 

tandis qu’elle, timorée, complexée par son physique 

ingrat, préférait se terrer chez elle… 

Pourtant, malgré qu’elle ne fût pas belle, du moins, 

pour répondre aux critères de beauté actuels, elle n’était 

cependant pas aussi laide qu’elle le pensait. C’est 

d’ailleurs ce que Rebecca lui avait assuré maintes fois…

Et il était vrai que bien qu’elle eût un visage sans réelle 

beauté, parce que dépourvu de cette grâce et de ce 

charme indéniables qui attirent forcément en le faisant 

reconnaître comme tel, il émanait toutefois de celui-ci une 

certaine spiritualité mêlée de distinction. Et puis, du haut 

de son un mètre soixante-treize, elle avait tout de même 

une certaine allure… Mais elle l’ignorait.

 

 Berthe, ainsi qu’on l’aura compris, ne parvenait 

jamais à se trouver le moindre attrait. Puisque d’office, elle 

exagérait de façon excessive ce qui concernait son 

apparence, tant elle l’exécrait… Et, comme depuis 

longtemps elle ne se voyait qu’avec des yeux déformants, 

elle n’arrivait pas plus pour autant à croire aux affirmations 

de Rebecca. Elle pensait seulement que son amie, 

par gentillesse ou commisération, préférait invoquer de 

pieux mensonges ; elle en était à présent persuadée et ne 

pouvait plus en démordre. 

Et pourtant, ainsi qu’elle se le rappelait souvent, 

comme pour mieux se conforter dans ses néfastes idées, 

n’avait-elle pas essayé, lorsqu’elle avait vingt ans, de faire 

partie d’un petit groupe d’amis connus à son travail ?… 

Elle venait alors tout juste d’entrer comme vendeuse, au 

rayon des bijoux fantaisie du Prisunic, rue Lafayette à 

Nantes. Nantes, sa ville, où elle était née il y avait 

maintenant vingt-cinq ans… 

Hélas, cette unique tentative s’avéra être un échec 

total. Surtout lorsqu’elle déclina son nom… Parce qu’en 

plus de son physique ingrat et de son prénom, qui, à lui 

seul, prêtait déjà à rire, elle avait aussi un nom effroyable, 

qui aurait desservi la plus belle des femmes. Elle 

s’appelait « Boudineau »… Berthe Boudineau ! 

Du reste, à ce sujet, elle avait un jour demandé à sa 

grand-mère, avec qui elle vivait alors, pourquoi on l’avait 

prénommée ainsi. Celle-ci lui avait répondu que si sa 

mère lui avait donné ce prénom, c’était en souvenir de 

Berthe D., sa meilleure amie, morte très jeune d’une 

leucémie ; pendant sa maladie, elle lui avait promis, le jour 

où elle aurait un enfant, de l’appeler comme elle si c’était 

une fille… Ayant appris cela, Berthe devint encore plus 

déprimée : porter un vilain prénom est une chose, mais 

quand c’est également celui d’une morte… 

Donc, dans cette bande de copains, non seulement 

elle ne plaisait à aucun garçon, – ce qui ne l’étonnait pas, 

habituée depuis longtemps à ce qu’on la trouvât laide – 

mais encore, tous, plus ou moins, se moquaient d’elle. 

D’abord discrètement, derrière son dos, puis, par la suite, 

carrément devant elle. Ainsi, l’appelait-on alors « Berthe 

au grand nez », ou « B.B. », (en 1985, on se souvenait 

toujours de Brigitte Bardot) ou « Boudinette », ou 

«boudin », ou encore, « Boudinette, le boudin boudiné»… 

Certains garçons poussaient même l’indélicatesse jusqu’à 

l’appeler « la grosse Bertha »… Ce qui la rendit furieuse 

lorsqu’elle apprit que c’était le surnom donné aux canons 

lourds allemands qui, à plus de cent kilomètres, tirèrent 

sur Paris en 1918 ; ce surnom fut donné aux canons parce 

que la fille de l’industriel allemand Krupp qui les fabriquait 

se prénommait Bertha… Tous ces quolibets, ces 

sobriquets, en rajoutant au chagrin qu’avait Berthe de 

n’être ni jolie ni véritablement plaisante, avaient accru ses 

complexes et accentué sa timidité, qui devenait maladive. 

Suite à cette mésaventure, au lieu d’en prendre son parti, 

chose au-dessus de ses forces, puisque c’était vrai, qu’elle 

l’admettait et en avait honte, elle avait préféré fuir un 

monde qui l’accueillait si mal et dans lequel elle ne 

trouvait pas sa place. 

Toutefois, heureusement, parmi ses 

anciens amis, – « amis », si l’on peut dire, puisqu’ils ne le 

furent pas – se trouvait une jeune femme, qui, à l’encontre 

du reste de la bande, s’intéressa cependant à elle, négligeant 

l’opinion des autres ; d’instinct, elle défendait 

Berthe à chaque fois, la protégeant en quelque sorte 

lorsqu’il y avait lieu. Et par le fait, celle-ci devint très vite sa 

meilleure amie ; sa seule vraie et unique amie… Il était 

temps : de plus en plus introvertie, Berthe était en train de 

devenir complètement schizoïde. 

Pas de commentaire »

Pas encore de commentaire.

Flux RSS des commentaires de cet article.

Laisser un commentaire

 

ETATS D'AMES |
POUSSIERES DE FEE |
Barnabe Book Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | sweetNovember
| Rat(s) de Bibliothèque
| amazighunique