Justine Mérieau – Ecrivain

Bienvenue sur mon blog, créé pour faire connaître davantage mes livres à un lectorat plus vaste, celui de la toile

Journal d’un ancien globe-trotter – Suite 2

Classé dans : Littérature et poésie — 16 août 2007 @ 1 : 10

Saint Denis, le 5 janvier 2005 

Hier, j’ai pas écrit une ligne… Je suis rentré trop tard, je me suis couché tout de suite…

En fait, j’étais rentré comme d’habitude, mais je suis ressorti presque aussitôt. Trop le cafard… Clémence ne m’appelle plus du tout. Elle ne répond pas non plus aux messages que je lui laisse sur sa boîte vocale… Pourtant, elle les trouve forcément… Pourquoi n’y donne-t-elle pas suite ? J’angoisse un maximum ! En y repensant plus à fond, je me souviens qu’avant son départ, je l’avais trouvée un peu bizarre, pas vraiment comme d’habitude… Je n’y avais pas trop prêté attention sur le coup, j’avais mis ça sur le compte de la fatigue. Mais maintenant, je me demande s’il n’y a pas autre chose… C’est pour ça que je suis ressorti, pour me changer les idées. Je suis allé retrouver un collègue redevenu célibataire, et qui dîne tous les soirs dans le même resto. On a mangé ensemble au Palais de l’Orient ; mon copain aime la bouffe asiatique et moi aussi de temps en temps. Ensuite, on a terminé la soirée sur le Barachois, dans le bistrot à la mode, « Le Roland Garros »,  face à l’océan indien. Bien sûr, on a pas mal bu… Lui, pour oublier que sa femme s’est barrée définitivement en France il y a six semaines, et moi, pour essayer de me rassurer en pensant que la mienne allait me revenir dans une quinzaine. Forcément, on s’est beaucoup faits draguer… Deux mecs seuls, « métros » ou « z’oreilles », ça se remarque ! Les Réunionnaises, surtout les créoles bronzées, nous apprécient tout particulièrement… Si on avait voulu… Mais on n’avait pas la tête à ça, vraiment pas !  Arnaud et moi, on a plutôt l’alcool triste. Il n’en finissait pas de me raconter pour la énième fois, l’histoire de son couple… C’est justement parce qu’il avait eu un soir une petite défaillance avec une jeune et belle cafrine, que son épouse l’ayant appris avait fait immédiatement sa valise sans attendre d’explications. Eméché, il ne cessait de me répéter, me montrant la table d’en face où jacassaient en riant trois jolies filles métissées qui nous lorgnaient effrontément, l’œil brillant de convoitise : « Tu les vois, ces  trois-là, hein ? Ces petites salopes n’ont pas froid aux yeux, elles nous draguent carrément ! C’est exactement comme ça  que ça m’est arrivé… Moi, j’ai rien fait. Tu le sais bien, toi, Alexandre, que je suis pas un homme à femmes… C’est elle qui s’est jetée dans mes bras ! Je comprenais pas du tout ce qui m’arrivait… Sauf qu’une vraie bombe de bimbo exotique s’offrait tout à coup à moi… J’ai perdu la tête… T’aurais pu résister, toi ? Moi, j’ai pas pu ! Je suis sûr que peu de mecs auraient pu… J’ai eu beau essayer d’expliquer la chose à Marine, elle a rien voulu savoir ! Et pour une connerie passagère, me voilà maintenant comme un con ! Tu me diras qu’à présent, j’ai le champ libre… D’ailleurs, si Marine ne revient pas, c’est peut-être ce que je finirai par faire… Mais pour l’instant, ça m’en a coupé l’envie… ». Comme il commençait à avoir la larme à l’œil j’essayais de le consoler, lui affirmant que venir sur les îles tropicales représentait justement un danger de ce côté-là pour beaucoup de couples ; et qu’on en voyait d’ailleurs pas mal qui se brisaient, parce que le mari, tout comme lui, Arnaud, n’avait pu résister à l’appel de trop belles sirènes bien bronzées. Mais j’étais mauvais dans le rôle, j’étais moi-même trop soucieux… Et puis, je me rendais compte également que je commençais à avoir des difficultés à parler. Il était temps que je rentre, si je ne voulais pas ensuite me heurter à tout ce que je rencontrerais sur le trottoir… J’ai donc entraîné mon copain dans le même état que moi, et nous sommes sortis assez dignement, sous le regard extrêmement déçu et frustré des demoiselles créoles. Après une accolade, Arnaud et moi sommes partis chacun de son côté. Heureusement qu’on était à pied et qu’on n’habitait pas trop loin du bistrot ! C’est bien d’ailleurs pourquoi on se permettait de boire autant…  En rentrant chez moi, je me suis donc couché directement, et pour une fois je n’ai plus pensé à rien d’autre qu’à dormir. Le lendemain matin, soit ce matin, j’avais une drôle de gueule de bois, qui a eu du mal à s’estomper au travail… Et ce soir, me revoici devant mon cahier en train de ressasser ma peine, continuant à me demander pourquoi Clémence observe à mon égard un tel silence… Y aurait-il eu des choses qui m’auraient échappé avant son départ ? Des attitudes différentes que je n’aurais su voir ? C’est vrai que depuis quelque temps elle me paraissait plus lointaine, moins amoureuse… Mais elle m’avait confié avoir quelques problèmes au boulot, et j’avais mis ça sur le compte du travail. Maintenant, je n’en suis plus certain du tout… C’est évident que je me dis de plus en plus maintenant qu’il se passe vraiment quelque chose, qu’une femme amoureuse ne se comporte pas de la sorte, en laissant son mec sans nouvelles aussi longtemps. Alors, en arrivant tout à l’heure à la maison, la première chose que j’ai faite, c’est de lui téléphoner… Mais comme toujours, personne au bout du fil ! Une fois encore, je lui ai laissé un nouveau message, mais là, pour lui dire ce que je pense et pour lui demander de m’appeler sans faute tout de suite… Seulement, il y a maintenant quatre heures de ça, et toujours rien ! Je ne suis pas idiot, ça sent mauvais pour moi, je le sens… Très mauvais, même ! En attendant, il faut que je continue d’écrire mes mémoires, sinon je pète un plomb ! 

Donc, j’en étais à Moscou… En quittant Moscou, mon charter s’envolait vers Colombo, mais avec une halte obligatoire en Inde auparavant. L’aéroport de Bombay croulait sous une chaleur d’enfer… Cela vous sautait à la figure dès le pied posé sur le tarmac. A l’intérieur de l’aéroport, en plus des odeurs d’urine et de transpiration, fouille obligatoire, y compris sous les vêtements… Pour cause de terrorisme et de bombes pouvant exploser n’importe où, n’importe quand… Pas très rassurant ni très agréable. D’autant que je fus fouillé par une grosse Hindoue très moche ! En plus, on me confisqua d’office mon fusil harpon, qu’on prit pour une arme dangereuse par méconnaissance de l’outil… Dans ma hâte à remonter dans l’avion trois quarts d’heures plus tard, j’oubliai de le récupérer… Ce qui devait m’empêcher par la suite de me livrer à l’un de mes sports favoris, celui de la pêche sous-marine… Je me souviendrai toujours de mon arrivée à Colombo… En sortant de l’aéroport, un aéroport vétuste et insalubre, on tombait directement devant un grillage de plusieurs mètres de haut qui l’enserrait entièrement. Après un effet de surprise, les touristes comprenaient vite pourquoi : des grappes d’Indiens plus ou moins en haillons y étaient agrippées, criant sur les voyageurs pour leur réclamer toutes sortes de choses… Certains proposaient leur taxi, d’autres d’être des guides provisoires ou de vous mener dans quelque hôtel, d’autres encore, les plus nombreux, réclamaient argent, vêtements, cigarettes, etc. Le spectacle était affligeant, et nul besoin de réfléchir plus longuement : on réalisait tout de suite qu’on se trouvait d’un coup aux antipodes de ce qu’on connaissait, qu’on venait de quitter un monde bien policé, pour entrer dans celui d’un paupérisme qui existait hélas toujours en certains endroits du globe. En montant dans un taxi pris au hasard tant il y avait de chauffeurs qui voulaient absolument que je monte dans le leur, je n’étais pas vraiment à l’aise… Dans un anglais à l’accent effroyable, comme s’il roulait des pierres dans sa bouche, le taximan indien me demanda quel genre d’hôtel me conviendrait. Je lui répondis que je souhaitais un hôtel bon marché, et il me gratifia aussitôt d’un sourire jusqu’aux gencives accompagné d’un OK enthousiaste. Je compris qu’il m’emmenait chez quelqu’un de sa famille… Nous avions quitté depuis longtemps l’aéroport et suivions la route du littoral. J’admirais à loisir le paysage côtier, très luxuriant, avec sa profusion de cocoteraies bordant l’océan indien. Une multitude de petites cases en torchis, tôles, et toits de paille coco (fibres de cocotiers tressées) apparaissaient en nombre au milieu de toute cette luxuriance. On voyait de suite qu’il s’agissait pour la plupart d’habitations de pêcheurs, plusieurs barques se trouvaient amarrées sur la plage, face à leurs maisons… Je pouvais même en apercevoir certaines sur l’eau et constatais avec surprise qu’elles étaient très particulières, sans doute typiques au pays : à l’avant, leur  coque de bois s’élançait gracieusement en une proue très effilée, et toutes s’ornaient de balanciers, l’un à gauche, l’autre à droite ; ce qui me fit évidemment penser à nos catamarans, mais en version rustique et plutôt rudimentaire… Malgré tout, c’était mieux que de simples barcasses, d’autant qu’elles aussi arboraient de jolies voiles de couleur, même si ces dernières étaient petites. Du côté opposé à la mer, nous traversions souvent des quartiers genre bidonvilles, et je me souviens qu’un peu déçu, je commençais à m’inquiéter, me demandant si toute l’île allait ressembler à ça. Parfois, on rencontrait des ronds-points gazonnés et fleuris, et je fus stupéfait d’y voir sécher du linge sur l’herbe, étalé aux quatre coins… « Drôle d’habitude ! , m’étais-je dit, que d’y mettre ses vêtements au soleil en pleine circulation, au milieu de la poussière et de la pollution ! Pas très hygiénique ! ». Apparemment c’était permis, la police laissait faire… Après un parcours d’une vingtaine de minutes, on arrivait enfin dans le centre de la capitale. L’aspect de cette ville autrefois sous dominations différentes, dont anglaise en dernier, me sidéra. Comme dans tout pays ayant été colonisé, Colombo présentait un véritable paradoxe entre ce qu’il fut et ce qu’il était devenu… Toujours ceint par l’ancien fort édifié au 16è siècle par les Portugais, sur le front de mer subsistait le palais du gouverneur, imposant avec ses colonnades blanches ; les vastes pelouses du palais également, sauf qu’elles ne servaient plus à présent ni aux joueurs de cricket ni aux joueurs de polo, ces sports si  chers aux anglais qui les avaient créées là tout exprès ; mal entretenues, elles n’étaient plus qu’un lieu de balade comme un autre. J’aimais faire ressurgir dans mon esprit les joueurs de polo sur leurs chevaux, casque colonial sur la tête et maillet à la main, galopant sur ce vaste espace vert pour attraper la balle au bond… On était bien loin d’un tel spectacle maintenant, les autochtones avaient depuis longtemps repris leurs coutumes ancestrales. On voyait surtout la misère et l’insalubrité qui régnaient en maîtresses incontestables des lieux… Les anciennes bâtisses imposantes et nettes des Portugais, Hollandais et Anglais se perdaient dans la masse de constructions inégales, sales et miséreuses. Les rues souvent inondées et pleines d’immondices sentaient l’urine. Une population la plupart du temps en haillons, grouillante, se pressait sur des trottoirs presque toujours défoncés. Ce qui frappait le plus dans cette marée humaine si dense, c’était le nombre de personnes handicapées… Je me souviens particulièrement d’une femme sans âge, qui pour se mouvoir ne marchait pas, mais parvenait tout de même à se traîner sur le trottoir en position allongée, s’aidant de ses deux mains valides : elle n’avait plus de jambes, son corps s’arrêtait au tronc… C’était à la fois poignant et lamentable, que de la voir ainsi se contorsionner à travers une foule indifférente, surtout lorsqu’elle entreprit de monter ensuite dans un bus à l’arrêt : son escalade sur le marchepied dura une éternité, et je fus surpris autant que scandalisé de constater que personne ne lui vienne en aide. Il me vint plus tard à l’esprit que cette femme devait peut-être faire partie de cette caste indienne, que l’on nomme « Les intouchables »… La circulation dans la capitale semblait à chaque minute être un véritable défi à l’équilibre et à la sécurité… Les rickshaws, ces scooters arrangés à la façon asiatique avec leur trois roues ( une à l’avant, au-dessus de laquelle siégeait le chauffeur, et deux autres à l’arrière au-dessus desquelles s’installaient les clients) ainsi que leur toit bâché leur donnant des allures de mini voiture, fonçaient à une vitesse folle dans les rues, se faufilant partout entre automobiles, bus et minibus. J’eus la peur de ma vie, lorsqu’il me prit l’envie de monter dans l’un d’eux pour visiter la capitale… J’avais prévu de partir excursionner sur la côte ouest le lendemain. Près de la gare routière où se trouvait également la gare ferroviaire, je prendrais le train qui m’emmènerait vers les trois stations balnéaires que j’avais choisies : Hikkaduwa, Mir Issa et Unawatuna… On y trouvait plein de Guest-houses et de bungalows bon marché, ce serait dans mes prix ! De plus, tout ça était situé en pleine jungle, au bord de magnifiques plages de sable blanc… un peu maculées, hélas, par les nombreuses bouses des vaches sacrées qui errent ici partout en liberté – religion oblige – mais, Dieu merci, foulées également par le pas colossal et majestueux du divin éléphant dirigé par son cornac…  Un magnifique séjour je fis là… Loin du tintouin de la capitale, régnait une ambiance particulière qu’on ne retrouvait nulle part ailleurs. Sauf bien sûr en Inde. C’était l’atmosphère d’India song, si bien dépeinte par Marguerite Duras… Une atmosphère indéfinissable, où l’on se sentait pris malgré soi de langueur, où une certaine torpeur bienfaisante vous envahissait, vous laissant dans un état second ; mais pour moi qui excursionnais, loin d’être ennuyeux cet état m’emplissait de sérénité. Il me semblait clair que tout ceci soit dû au climat chaud et humide, à la mousson ponctuelle qui arrête le temps, à la végétation aux subtilités variées, dont certains parfums, comme l’odeur des frangipaniers, vous prenaient aux narines, vous enivraient délicieusement ; mais surtout, surtout, à l’esprit zen des habitants si chaleureux, à leurs coutumes religieuses, notamment le bouddhisme, avec ses gracieux bonzes tout d’orange vêtus, et dont le visage reflétait en permanence bonté, paix et humanité…  En bref, à leur façon de vivre, naturelle et un peu au ralenti. Me remémorant tous ces souvenirs, je ne peux soudain m’empêcher de frémir d’horreur, lorsque je revois en pensée les images effroyables retransmises à la télévision en 2004, sur le tsunami qui a ravagé tous ces beaux endroits où j’ai vécu un temps… Je me verrais mal retourner là-bas à présent, ça me ferait trop mal au cœur. J’avais noué quelques amitiés ici et là, j’aurais trop peur de ne plus retrouver personne… 

Bon… J’arrête. Ce sera tout pour ce soir… Avec ces souvenirs-ci, j’ai encore un peu plus le coup de blues ! Et puis, je n’y vois plus clair et ne fais que bailler. Demain sera un autre jour… Et comme je n’ai toujours pas reçu le coup de fil tant attendu, cette fois je suis bien décidé : je vais tout faire pour arriver à parler enfin à Clémence… Quitte pour cela à appeler ses parents ou quelqu’un de sa famille s’il le faut… Parce que ça ne peut plus durer !

A suivre… 

8 commentaires »

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